Défense. Vents favorables pour les deux poids lourds français Dassault Aviation et Thales

La dégradation des contextes géopolitiques mondiaux depuis plusieurs mois et l’actuel conflit russo-ukrainien donnent une nouvelle visibilité aux groupes de défense, notamment en France. Thales et Dassault Aviation, deux champions tricolores devraient en profiter pleinement.

Une année exceptionnelle pour Dassault Aviation. Les très bons millésimes n’ont  pas toujours été au rendez-vous pour l’avionneur français mais 2021 restera sans nul doute dans les annales. L’avionneur a enregistré 49 commandes de Rafale (37 à l’export et 12 pour la France, non compris les 80 exemplaires pour les Emirats arabes uni) et a livré 25 appareils contre 13 en 2020. Du côté des avions d’affaires 51 commandes de Falcon (15 en 2020) ont été enregistré, 30 avions ont été livrés contre 34 en 2020. Les prises de commandes 2021 s’élèvent à 12,1 mds (3,5 mds en 2020) et le carnet de commandes monte à 20,8 mds contre 15,9 mds en 2020.

La reprise du marché des avions d’affaires, neufs, s’est nettement fait sentir aux Etats-Unis et en Europe, notamment dans le haut de gamme, tout comme le marché des avions d’occasion avec une baisse de l’offre et des prix de vente soutenus. Dassault est désormais bien positionné avec le F 6X en cours de certification et surtout le futur F10X dont l’entrée en service en 2025 positionnera l’avionneur sur le très haut de gamme, un segment très lucratif où le ticket d’entrée est d’environ 60 millions $.  

Dans le domaine militaire c’est quasiment l’euphorie après le contrat historique pour la société avec les Emirats arabes unis (80 Rafale commandés) et celui avec l’Indonésie (42 avions). L’avionneur reste très confiant sur la dynamique future de contrats Rafale et s’il ne révèle aucun de ses prospects comme à son habitude l’optimisme est néanmoins de mise à Saint-Cloud pour la conclusion de contrats Rafale à l’export. Ce qui ne sera pas sans poser quelques difficultés pour la Supply Chain. En cas de nouveau client l’avionneur va devoir toutefois jongler avec son calendrier de production d’autant que la supply chain connaît des ratés préoccupants à cause de la pandémie Covid-19. «Il suffit qu’il manque une vis de 5 pour ralentir la production», résume Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation. Il faut trois ans pour produire un Rafale et l’avionneur est aujourd’hui à la cadence de 2, voire 3 avions par mois. «Nous pourrons encore prendre un certain nombre de commandes sans rien changer mais à condition que nos clients ne soient pas trop pressés», avertit Eric Trappier. L’option d’une seconde chaîne de production se posera si le carnet de commandes se remplit.

Nuages sur la coopération autour du SCAF. Tout serait presque idéal pour Dassault Aviation si les frustrations autour du partage des fonctions de l’avion de combat, pivot du programme SCAF ne venaient ternir quelque peu cette situation idyllique où le Rafale enchaîne les succès à l’export comme jamais. Au cœur des frustrations, le leadership incontestable de l’avionneur français pour les commandes de vols et le système de communication remis en cause par le partenaire allemand Airbus, selon l’avionneur. Une signature est attendue par la partie française depuis septembre 2021 mais le temps passe et Airbus Allemagne ne se décide pas. Les causes du désaccord seraient toujours liées au partage des connaissances sur les systèmes clés du cockpit : « Nous pensons que nous sommes les meilleurs pour développer les commandes de vol (…), de notre côté il n’y a pas de problème, s’il y en a un, c’est de l’autre côté du Rhin. Nous ne voulons pas de duplication de certaines compétences (…) En 2022, il va falloir statuer sur cette problématique entre politiques et industriels parce que cela dure depuis trop longtemps», tranche Eric Trappier qui menace d’orienter son bureau d’études vers d’autres priorités.

Au-delà de la difficile entente entre Airbus Allemagne et Dassault Aviation sur ce programme clé du SCAF, le cœur du problème, non avoué ouvertement outre-Rhin, réside dans le souhait de l’industriel allemand de partager avec l’avionneur français ces technologies clés du cockpit, d’une part, et de l’autre, de la volonté des aviateurs allemands d’acquérir des F-35 dans le cadre de la modernisation de la Luftwaffe. Des hésitations qui préoccupent Dassault Aviation. « Nous allons voir s’ils (les Allemands) vont signer d’abord le contrat SCAF ou le F-35 ! C’est un sujet stratégique », résume le PDG de Dassault Aviation.

La défense et l’espace à la hausse pour Thales

De son côté, Thales a enregistré l’an dernier une année record en termes de prises de commandes à 19,9 Mds€, en hausse de 18%, le chiffre d’affaires ressort à 16,2 Mds€, en hausse de 5,3% et le résultat net consolidé, part du Groupe, s’élève à 1,089 Md, en hausse de 125%. Tous les voyants sont au vert pour Thales et les perspectives 2022-2023 s’annoncent sous les meilleurs hospices. « Nos marchés (Aerospace, Defense & Security, Digital & Security) ont d’énormes besoins », a commenté Patrice Caine, Président de Thales lors de la présentation des résultats du groupe. Dans le domaine de la défense Thales a remporté quatre « gros contrats » supérieurs à 500 millions d’euros (Voir ci-dessous).

Pour le secteur Aerospace (aéronautique et espace) les prises de commandes s’élèvent à 5,631 mds en 2021 (3,822 mds en 2020) et pour le segment de la défense-sécurité le groupe a engrangé 13 contrats de plus de 100 millions d’euros sur un total de 11,185 mds. Les prises de commandes des activités Digital Identity & Security s’élèvent à 2,995 mds quasi stables par rapport à 2020. En termes de progression ce sont bien les activités aérospatiales et spatiales, les métiers historiques du groupe, qui ont connues la plus forte progression des prises de commandes +47%.

Dans le domaine des activités défense la demande devrait rester soutenue au cours des prochains exercices (2022-2024) avec les intentions annoncées de plusieurs pays européens de revoir à a hausse leur budget de défense à l’instar de l’Allemagne qui prévoit d’injecter 100 milliards d’euros pour sa défense au cours des deux prochaines années. Seule petite ombre au tableau la très lente reprise des activités d’aéronautique civile. Si le transport aérien domestique montre des signes de reprise notamment aux Etats-Unis où il est aujourd’hui au niveau de 2019, en revanche l’activité est plus incertaine pour le transport aérien international qui reste inférieur aux niveaux de 2019. Thales estime pour le moment l’impact de la crise russo-ukrainienne à 100 millions d’euros sur son chiffre d’affaires 2022.

Les grands contrats de Thales en 2021 d’un montant unitaire supérieur à 100 M€, pour un montant total de 6 491 M€ :

-2 contrats liés à la fourniture du Rafale à la Grèce et à la France la nouvelle génération du système franco-italien de défense anti-aérienne moyenne portée SAMP/T NG,

-l’entrée en vigueur du contrat de construction du satellite de télécommunications Satria, destiné à réduire la fracture numérique en Indonésie,

-6 satellites de la seconde génération de Galileo,

-2 satellites de télécommunications sécurisés pour le Ministère de la défense italien (Sicral 3),

-la modernisation et le support de 3 radars de contrôle tactique au Canada,

-nouvelle tranche du segment sol et du centre de sécurité de Galileo,

-contrat de soutien des systèmes de défense aérienne français,

-contrat supplémentaire avec l’agence spatiale européenne (ESA) en lien avec le développement du module lunaire I-HAB,

-2 satellites pour le compte de SES, dont un satellite flexible de nouvelle génération « Space Inspire »,

-construction du satellite de télécommunications HTS 113BT pour l’opérateur Telkom Indonesia,

-2 contrats liés à la fourniture du Rafale à l’Egypte et à la France,

-contrat dans le cadre du programme Balzac de verticalisation du support des Mirage 2000 en France,

-contrat de soutien (VASSCO) du système français de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA), pour une durée de 10 ans

-nouvelle tranche du programme CONTACT de communications  tactiques de nouvelle génération de l’armée française,

-contrat de fourniture de radars pour un pays européen,

-tranche complémentaire dans la conception d’une nouvelle génération de capteurs et de systèmes pour une grande marine,

-contrat lié à la modernisation des tanks de l’armée anglaise (programme Challenger 3).

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A propos aerodefensenews

Bruno Lancesseur est rédacteur en chef la lettre AeroDefenseNews.net Pour nous contacter envoyez votre adresse mail à aerodefensenews@gmail.com
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