Favoriser le renouvèlement des flottes pour des appareils de dernière génération
Le renouvellement de la flotte des compagnies aériennes en faveur d’appareils plus récents est un cercle vertueux pour toute la filière. En effet, la nouvelle génération d’avion permet en moyenne des gains d’efficacité de 20% par rapport aux générations d’appareils précédentes. Ces derniers sont notamment produits à base de matériaux composites[i] plus légers réduisant le poids et la consommation. Souvent équipés de winglets en bout d’ailes[ii], ils sont également propulsés par des moteurs plus économes en carburant. A ce titre, le moteur LEAP[iii] de CFM International propulsant les monocouloirs, A320Neo, B737MAX et le C919 de COMAC, économise 15% de carburant et d’émissions de CO2 par rapport à la motorisation précédente, 75% d’émissions sonores et 80% d’oxydes d’azote.
L’accélération du renouvèlement des flottes pour des appareils de dernière génération permet ainsi de réduire de manière significative sur le court terme les émissions de CO2 de l’aviation civile.
De surcroît, l’achat d’appareils neufs produits par nos avionneurs (Airbus, ATR, Dassault Aviation, Daher) permet de soutenir le plan de charge de toute la filière aéronautique française (motoristes, équipementiers et sous-traitants). Aussi, la chute du trafic aérien observable depuis mars 2020 oblige les compagnies aériennes à réduire leurs coûts. Ces dernières font sortir des flottes opérationnelles les appareils les plus anciens, notamment les quadriréacteurs (A340, A380, B747), nécessitant parfois l’achat d’appareils neufs. Il existe donc des opportunités pour les industriels européens de mettre en avant leurs offres lors des mouvements de rationalisation des compagnies aériennes.
En dépit des effets de la crise sur sa trésorerie, Air France a de son côté maintenu ses commandes de 60 jets régionaux A220 et de 35 long-courriers A350. La compagnie commence à faire entrer ces appareils dans sa flotte selon le calendrier initialement prévu. Si les A220 sont produits à Mirabel au Canada, les gros-porteurs A350 sont quant à eux exclusivement assemblées dans les usines toulousaines d’Airbus[iv].
Encourager le développement des carburants alternatifs durables
Les carburants alternatifs peuvent être introduits sur les appareils déjà en service dans les compagnies aériennes sans modification des moteurs. La génération actuelle de moteurs est capable d’incorporer jusqu’à 50% de biocarburants. Cependant, ces derniers restent 3 à 5 fois plus chères que le kérosène classique ce qui n’incite pas les compagnies à les utiliser massivement.
Le carburant représentant environ 25 à 30% du prix d’un vol, un aller-retour Paris – New York utilisant 10% de biocarburant, augmenterait ainsi le prix du billet de 50 USD par passager. De plus, une filière reste à mettre en place pour accélérer leur déploiement. Aussi, selon Airbus, pour faire voler 20% de la flotte mondiale avec des biocarburants, il faudrait l’équivalent de toute la surface agricole réunie des pays fondateurs d’Airbus (France, Allemagne, Espagne et Royaume-Uni). De surcroît, produire des biocarburants à grande échelle sans affecter la planète reste un défi. Il est en effet nécessaire de veiller à ce que l’ensemble du cycle de fabrication n’enregistre pas un bilan environnemental négatif.
Les acteurs insistent donc sur la nécessité de mettre en place un cadre réglementaire rendant obligatoire l’incorporation d’un pourcentage de biocarburants dans les avions en service[v] avant d’investir massivement dans la structuration d’une filière de production. Aussi, des incitations réglementaires permettraient d’éviter des distorsions de concurrence entre les compagnies aériennes utilisant des biocarburants (plus chère que le kérosène classique) et les autres moins vertueuses.
Airbus a lancé avec le motoriste britannique Rolls-Royce une campagne de tests avec uniquement du carburant à base d’huile de cuisson usagée à bord d’un long-courrier A350. Cette campagne doit préparer la certification des avions afin d’utiliser de manière quotidienne 100% de carburant durable[vi] et étudier l’impact du carburant sur le moteur et ses systèmes. Le constructeur Boeing mise également sur les biocarburants. En 2018, l’avionneur américain avait inauguré le premier vol d’un B777 cargo de Fedex utilisant 100% de biocarburants. Boeing prévoit de livrer des avions de ligne sans pétrole d’ici 2030[vii].
Optimiser les systèmes de gestion du trafic aérien et privilégier l’écopilotage
L’optimisation des systèmes de gestion du trafic aérien permet de fluidifier le trafic en évitant de faire tourner longtemps les avions autour des aéroports. Des trajectoires optimisées ont pour effet dedé-saturer l’espace aérien. Elles évitent que les appareils ne consomment du kérosène en attendant d’être autorisés à atterrir. Airbus estime qu’en moyenne sur un vol, jusqu’à 10% de la consommation de carburant est liée à l’inefficacité de l’Air Trafic Management (ATM). Avec la digitalisation des systèmes de gestion du trafic aérien, il serait donc possible sans ruptures technologiques de réduire significativement les émissions de CO2.
Les compagnies aériennes peuvent aussi encourager leur personnel naviguant à pratiquer « l’éco-pilotage »: roulage au sol sur un seul moteur, utilisation de l’électricité disponible depuis la passerelle au sol plutôt que de recourir au groupe auxiliaire de puissance (APU), optimisation des routes et de l’altitude de croisières. Elles peuvent aussi limiter le « fuel tankering », une pratiqueconsistant pour une compagnie à surcharger ses appareils au décollage avec des tonnes de carburant supplémentaires, afin de ne pas avoir à faire le plein dans les pays ou le coût du pétrole est plus élevé. Enfin, les opérateurs peuvent limiter le poids de leurs avions en faisant des retrofits de leurs cabines pour des sièges passagers plus légers.
Antoine Latif
[i] III Composés de fibres, (généralement du carbone) et d’une résine polymère formant un liant, les composites ont largement investi l’aéronautique. L’A380 et le Boeing 787 en sont composés environ de moitié (contre 20 % d’aluminium, 15% de titane et 10% d’acier).
[ii] Les winglets placée en extrémité de voilure réduisent la trainée, permettant un gain de consommation de 2 à 5 %.
[iii] Le moteur LEAP (Leading Edge Advanced Propulsion) est développée par CFM International, co-entreprise formée entre Safran Aircraft Engines et General Electric. Le LEAP-1A est destiné aux A320Neo, le LEAP-1B aux B737 MAX et le LEAP-1C au C919 de COMAC.
[iv] Les chaines d’assemblage de l’A350 et de l’A330neo sont toutes basées en France à Toulouse. Airbus a confirmé la relance de son projet d’ouverture d’une nouvelle ligne d’assemblage finale d’A321 à Toulouse à la place des installations dédiées à la production de l’A380. Le dernier A380 d’Airbus a quitté Blagnac en mars 2021 pour être livré à la compagnie Emirates, premier opérateur d’A380 dans le monde (122 appareils dans sa flotte). Tom Enders, l’ancien PDG d’Airbus avait confirmé l’arrêt de la production de l’A380 en février 2019 faute de nouvelles commandes.
[v] La feuille de route française pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables, publiée en janvier 2020, retient une trajectoire de déploiement fondée sur un taux d’incorporation de biocarburants de 2 % en 2025 et de 5 % en 2030. À plus long terme, la stratégie nationale bas carbone prévoit un objectif de 50 % de biocarburants en 2050.
[vi] A l’heure actuelle, le mélange maximal certifié est limité à 50% de SAF (sustainable aviation fuel).
[vii] Boeing a déclaré s’engager à livrer des avions de transport de passagers pouvant voler avec du carburant sans pétrole d’ici 2030. Pour « respecter l’engagement du secteur aérien à réduire ses émissions de carbone de 50% par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2050, les avions doivent pouvoir utiliser des carburants d’aviation 100% durables bien avant 2050 », remarque Boeing.