Si le secteur aéronautique et aérien a longtemps fait rêver, il est désormais largement critiqué par certains mouvements d’opinion. Il ne représente cependant que 2,5% des émissions mondiales de C02. Les grands acteurs de l’aéronautique et du transport aérien ont pourtant multiplié ces dernières années les engagements en faveur d’une réduction de l’empreinte environnementale de l’aviation. A cet égard, le plan de soutien de la filière aéronautique, présenté par le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, le 9 juin 2020, formalise l’objectif ambitieux de faire de la France le pays de l’avion « décarboné » d’ici 2035. Cela n’empêche pas certain détracteurs du transport aérien d’y voir, à tort, de simples effets d’annonces. Pour autant, même si des choix technologiques structurants doivent encore être arrêtés, les efforts de la filière en faveur du développement d’une aviation dé-carbonée sont bien réels. A ce titre, plusieurs pistes sont à l’étude et tendent à se combiner comme la modification des systèmes propulsifs (open-rotor), des sources d’énergie (biocarburants, hydrogène) et du design des avions (aile volante).
De ce fait, si les solutions concrètes sont encore incertaines, il convient de reconnaître la mobilisation de la filière aéronautique en faveur du développement de l’avion vert. En effet, les industriels n’ont pas attendus l’essor du « Flygskam » et l’épidémie de Covid-19 pour réfléchir à l’amélioration de la performance environnementale des appareils commerciaux. La transition écologique du transport aérien nécessitera de combiner des technologies de rupture et des innovations incrémentales. Toutefois, certaines solutions semblent plus faciles à mettre en œuvre sans ruptures technologiques majeures comme le recours plus systématique aux carburants alternatifs.
Le secteur aérien maintient son ambition de réduction des émissions en dépit de la crise sanitaire
Le verdissement du transport aérien était déjà en marche avant la pandémie. Avant l’épidémie de Covid-19, les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien commercial représentaient environ 2% des émissions mondiales et 3% de celles de l’UE. De plus, les projections laissaient entrevoir une croissance moyenne du trafic aérien international de l’ordre de 5% par an. De ce fait, le secteur aérien poursuivait déjà l’ambition de réduire de moitié ses émissions à l’horizon 2050 par rapport à leur niveau de 2005[i]. Les acteurs de la filière avaient également eu l’occasion de réitérer leur engagement lors de la dernière édition du salon du Bourget de juin 2019.
En parallèle, le transport aérien a été le premier secteur économique à se doter d’un système universel et contraignant pour la maîtrise de ses émissions avec CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation). En effet, les Etats membres de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) ont voté en octobre 2016 la mise en place d’un mécanisme visant à maîtriser les émissions de CO2 de l’aviation internationale. Le dispositif consiste à compenser les émissions de CO2 qui dépassent le niveau de celles de 2019 par l’achat de crédits carbones provenant de projets de réductions d’émissions de CO2 dans d’autres secteurs.
L’aviation étant un symbole du multilatéralisme, il était déjà à l’époque difficilement concevable de retenir le scénario de décroissance du transport aérien comme un objectif souhaitable. Les acteurs du secteur avaient donc déjà amplement consciences des enjeux liés à l’environnement. La crise sanitaire a néanmoins accéléré le calendrier des recherches dédiées à la « décarbonation » du secteur.
La crise sanitaire a conduit le secteur à repenser sa stratégie afin de maintenir ses objectifs
Si la crise sanitaire a mis un coup d’arrêt à la croissance continue du trafic aérien, l’ambition reste d’arriver à diminuer d’ici 2050 de moitié l’empreinte du secteur par rapport à 2005, soit une réduction de 90% des émissions par passager. La chute du trafic aérien et ses conséquences sur la filière aéronautique, conjuguée à la pression médiatique et écologique très forte, ont contraint les acteurs à accélérer leur planning de développement de l’avion décarboné. La volonté de la filière est désormais de mettre au point un avion « ultra sobre » à l’horizon 2035, réalisant un gain de 30 % par rapport à la génération actuelle. A cet égard, le plan gouvernemental de soutien à la filière aéronautique prévoit de compenser la baisse de l’autofinancement sur la R&D des grands donneurs d’ordre de l’aéronautique civile. Ainsi, le Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile (CORAC) recevra un soutien massif de 1,5 Mds EUR sur 3 ans (300 M€en 2020, 600 M€ en 2021 et 2022)[ii] pour développer les technologies de réduction de la consommation de carburant, d’électrification des appareils et les expérimentations de carburants neutres en carbone comme l’hydrogène.
Antoine Latif
[i] ILes entreprises de l’aviation, réunies au sein de l’ATAG (Air Transport Action Group), ont pris l’engagement en 2008 de réduire de 50% par rapport à 2005 les émissions de CO2 du transport aérien d’ici 2050. Vu les prévisions de croissance du trafic, cela revient à réduire de 90% les émissions par passager.
[ii] II Ces aides seront complétées par le programme d’investissements d’avenir (PIA) à hauteur de 50 M EUR dans le domaine de la propulsion hydrogène.