Exportations d’armes : les nouveaux risques qui menacent les industriels

Les temps changent pour les industriels de la défense et pas seulement pour les groupes, même les PME qui fabriquent des composants intégrés dans des systèmes d’armes, des matériels électroniques, des avions, des hélicoptères, etc. risquent désormais de se retrouver dans la ligne de mire d’ONG ou d’associations diverses (1). Les temps changent car aux côtés de quelques grandes ONG qui ont pignon sur rue apparaissent depuis quelques années de nouvelles structures très bien organisées, très réactives, qui savent se servir des réseaux sociaux pour discréditer si nécessaire une entreprise. Parfois, cette démarche est de bonne foi mais elle peut également être téléguidée par d’autres structures moins avouables liées à des gouvernements – à leur insu ?-, et dont les buts sont plus proches de la guerre économique que du respect des droits de l’homme.

Curieusement, la France se retrouve dans le viseur de quelques ONG L’implication d’armes françaises vendues à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis dans le conflit yéménite n’est pas étrangère à cette mise à l’index de la France. Ce qui n’est in fine pas étonnant puisqu’il s’agit de l’un des principaux exportateurs d’armes dans le monde : 8,3 milliards d’euros en 2019 avec pour principaux clients l’Inde, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et les Emirats arabes unis. Comme par hasard des pays qui ont des relations compliquées, voire inexistantes, avec les ONG. Pourtant il y a de quoi faire. La Chine est le cinquième exportateur d’armes en 2015-19 et a considérablement augmenté le nombre de destinataires de ses armes majeures: de 40 en 2010-14 à 53 en 2015-19, note le SIPRI. Les exportations d’armes de la Corée du Sud ont-elles augmenté de 143 % entre 2010-14 et 2015-19 et elle fait son entrée pour la première fois dans le Top 10 des principaux exportateurs. Les exportations d’armes israéliennes ont augmenté de 77 % entre 2010-14 et 2015-19 pour atteindre leur niveau le plus élevé jamais enregistré… « Au-delà de ce changement de contexte social, politique et juridique, la controverse sur les exportations d’armement de la France ne serait pas née sans la mobilisation des ONG. Celles-ci ne se limitent pas au plaidoyer militant. Plusieurs d’entre elles se donnent comme mission la récupération d’informations concernant les zones de conflits, le comportement des armées locales, l’utilisation d’armements… Les technologies leur permettent désormais, en effet, de faire récolter par les correspondants locaux des éléments d’information très précis, géolocalisés et datés. Ces éléments permettent de construire différentes stratégies toujours plus pointues : reportages et articles de presse, interpellations de gouvernements qui n’opposent que des dénégations très générales à des allégations très étayées, supports de preuves à l’appui de contentieux… », écrivent Jacques Maire et Michèle Tabarot dans leur rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b3581_rapport-information#). «Les ONG sont parvenues à créer avec les médias des relations d’intérêts partagés objectifs. En effet, les médias français, y compris les plus grands quotidiens et les chaînes de service public, ont de moins en moins de capacités d’enquête autonome et dépendent des ONG pour recueillir des informations de terrain et des témoignages directs», constatent les deux rapporteurs. Conséquences : les ONG jouent le rôle de « reporters » et diffusent des sujets et des informations qu’elles ont préalablement sélectionné. Quel est le degré d’objectivité ? Faut-il en conclure qu’une presse faible est un cheval de Troie pour des organisations qui privilégient leurs agendas?

 Bruno Lancesseur  

aerodefensenews@gmail.com

 (1) Crisis Action, Action contre la faim (ACF), Care France, Amnesty International, Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER), Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l’Observatoire des armements, Center for civilians in conflict (CIVIC), Handicap International, Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), Human Rights Watch (HRW) et Alliance internationale pour la défense des libertés (AIDL). Rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement présenté par Jacques Maire et Michèle Tabarot. (Liste non exhaustive).

La semaine prochaine suite de notre série. Exportations d’armes : l’opacité supposée de la France menace-t-elle les programmes franco-allemands

Publicité

A propos aerodefensenews

Bruno Lancesseur est rédacteur en chef la lettre AeroDefenseNews.net Pour nous contacter envoyez votre adresse mail à aerodefensenews@gmail.com
Cet article, publié dans Aviation Civile, est tagué . Ajoutez ce permalien à vos favoris.