Défense. Pourquoi le SCAF est indispensable pour l’industrie française

Analyse. Pour Paris, le programme SCAF est stratégique alors qu’il ne l’est pas pour Berlin et Madrid et  cela  pour trois raisons : la France est la seule puissance nucléaire aéroportée d’Europe (le RU y a renoncé) ;  là où Paris ne compte qu’un seul avion d’armes, le Rafale, les deux autres capitales en ont au moins deux. La Luftwaffe aligne l’Eurofighter, le Tornado et demain pour la bombe américaine le F/A-18 E/F ; Madrid aligne F/A-18 et l’Eurofighter. La France a fait le choix – judicieux – de ne choisir qu’un seul avion pour rationaliser sa flotte (de fait, elle a supprimé 5 types d’avions, donc 5 chaînes d’approvisionnement, etc). Ce qui rend son remplacement délicat ; la France est la seule nation européenne à mettre en œuvre un porte-avions, un vrai porte-avions avec catapultes et brins d’arrêt et non un tremplin comme les deux unités britanniques.

Ces points amènent à des considérations très politiques et techniques en même temps: Nécessité d’une version nucléaire ; cela va de soi à Paris, pas forcément ailleurs… où le besoin n’existe pas puisque l’on se satisfait de la mission nucléaire sous tutelle américaine ; Nécessité de dimensionner l’avion aux porte-avions et non l’inverse : fait peu relevé jusqu’à présent, le porte-avions sera premier dans l’ordre de la planification budgétaire et industrielle bien avant le futur avion ; la décision sera prise sous peu d’avoir un porte-avions nucléaire de 70 000t avec des avions d’environ 30t armés. Ses dimensions vont donc dimensionner celles de l’avion et non l’inverse comme c’est habituellement le cas. En ce sens, c’est la Marine qui va dimensionner le futur avion de combat et non l’armée de l’Air, d’où la bataille sur le porte-avions.

Pour l’industrie de défense française, ce projet est déterminant puisqu’il est le premier projet depuis les années 80 d’avion neuf. Un programme est indispensable pour le maintien des bureaux d’études de Dassault-Aviation, de Thales et de Safran, sans parler de MBDA (missiles), mais il est aussi indispensable pour le maintien de leurs capacités d’intégration, qui en font de vrais systèmiers à l’image des grandes industries américaines, russes et chinoises. Conserver des systèmiers de la dissuasion au top niveau mondial est ainsi crucial; la même règle s’applique au domaine naval, autre pilier de la force de frappe nationale. Si Dassault a conservé sa capacité vaille que vaille, Naval group connaît des difficultés  (défaillances dans le programme de SNA) qui démontrent que rien n’est jamais acquis et que tout relâchement se paie soit au prix fort, soit au prix de l’abandon capacitaire et donc stratégique.

Ces deux points en commandent un troisième : il faut préparer un plan B au cas où le SCAF, pour une série de raisons imprévisibles (diktat politique et industriel du Bundestag ou abandon allemand suite à une nouvelle coalition), venait à être arrêté. Le plan B existe : c’est le Rafale lourd (de 20 à 30t). Cette option doit donc être sauvegardée et étudiée après les élections de 2022 ; cette échéance de 2022 est en effet celle où doit se décider la phase suivante : celle du développement du futur appareil franco-allemand. Il sera nécessaire alors de voir en quoi cet appareil correspond ou non aux besoins français exprimés et rappelés ci-dessus et trancher en fonction de nos seuls intérêts nationaux.

 

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Bruno Lancesseur est rédacteur en chef la lettre AeroDefenseNews.net Pour nous contacter envoyez votre adresse mail à aerodefensenews@gmail.com
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