La Chronique de Vauban (deuxième partie) : Relance de la défense, défense de la relance

Patrouille à BrunoDéfense de la relance : le plan nécessaire pour 2020

On le voit : le plan de 2009 a eu un impact très positif sur l’emploi de défense, les capacités opérationnelles et l’économie de manière générale. C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour un plan de relance à la hauteur des enjeux – supérieurs – de la crise. S’ajoutent deux autres raisons sectorielles majeures : pour les sociétés duales, il faut compenser par la défense la chute durable du trafic aérien qui irriguait en profondeur et en ampleur leurs plans de charge (des bureaux d’études aux usines et équipementiers) ; personne ne connaît la durée de cette crise, mais elle dépend de trop de facteurs (rationnels comme irrationnels) pour s’en remettre à la seule main du marché ; elle dépend aussi d’acteurs nombreux sur lesquels l’industrie n’a pas prise : compagnies aériennes, plateformes aéroportuaires, normes édictées par l’IATA, etc. Pour les sociétés purement défense, il faut compenser par la commande d’Etat la chute de l’activité commerciale lié à l’arrêt total des relations commerciales (annulation des salons, gel de toute mission commerciale ou presque, report ou annulation de budgets chez les clients et prospects, etc).

La relance budgétaire. La manœuvre  consisterait à avancer les hausses budgétaires prévues…hors mandat du Président (2023 à 2025) ; outre une honnêteté et une sincérité retrouvées vis-à-vis du monde la Défense, cette croissance ne fera de toute façon que combler les lacunes de la précédente LPM qui, même actualisée deux fois, était insuffisante. Ce montant sera à prélever sur le montant du soutien étatique aux ENR (5,3 milliards € dont 4,8 milliards € pour l’éolien, données tirées du rapport de la Cour des comptes, avril 2018), le solde étant consacré aux opérations d’investissements stratégiques (santé, nucléaire, fonds de ré-industrialisation etc).

 

Milliard € 2020 2021 2022 2023 Total
Crédits budgétaires

De l’actuelle LPM

37,6 39,3 41 44 161,9
Crédits LPM+relance (crédits prélevés sur le soutien aux ENR) 39,3 41 42,7 45,7 168,7

La relance capacitaire. Sur les 1,7 milliard € récupérés, 1,2 milliards serait débloqué pour permettre tout à la fois un rattrapage des postes sous-financés actuellement (MCO, infras, équipements, r&D) et une relance (format Outre-Mer, par exemple), le solde étant destiné aux recrutements, aux soldes et aux petits équipements à taille humaine.

Sans faire le travail des Etats-majors et de la DGA à leur place, la direction politique est triple : financer la remontée en puissance du SSA (recrutement, revalorisation des soldes pour parité avec la fonction hospitalière publique, ré-ouverture du val de Grâce, équipements & matériels) ;

Renforcer le recrutement (mis à mal par le confinement) et les soldes ;

Renforcer le Maintien en Condition Opérationnelle, sous-financé et généralement pris sur les crédits OPEX ;

Renforcer certaines lacunes capacitaires rapidement fabricables (sous-dotation en munitions & missiles), et dispositif pour l’Outre-Mer, où il est possible d’envisager un doublement du format actuel de patrouilleurs, de Falcon et de chalands. A ce sujet, soulignons 6 patrouilleurs coûtent 224 millions € (marché attribué à Socarenam) : passer à une série de 12 (soit +6) ne serait pas du luxe compte tenu des carences capacitaires sur la ZEE nationale et ne sera pas d’un grand poids financier et guère coûteux pour des bâtiments qui navigueront 35 ans en moyenne ;

Accélérer la commande des 12 Albatros (Falcon de surveillance remplaçant des Falcon vieux de 40 ans) et la compléter par un besoin à définir pour une couverture renforcée (Nouvelle Calédonie, Polynésie, Réunion, Antilles) ;

Idem pour les chalands de débarquement dont six nouvelles unités seront déployées en outre-mer pour remplacer divers chalands logistiques et basés à Djibouti (2), Mayotte (1), Nouméa (1), Fort-de-France (1) et Kourou (1). Un doublement de cette capacité est nécessaire pour le fret et le maintien de l’ordre. Le contrat de 14 chalands a coûté 38,2 millions € (avec 8 unités destinées à la flotte amphibie basée à Toulon) : le doublement de la capacité pour l’OM ne coûtera donc pas cher.

Toutes ces productions seraient réalisées en France par des sociétés françaises dans des bassins d’emploi fragiles, ne coûteront pas cher au budget, sont rapidement fabricables et très utiles localement à un moment de tensions au sein des collectivités de l’OM et avec les voisins étatiques (Mozambique, Madagascar, Comores).

Notes de bas de page :

  1. Mesure 1 (3 MRTT avancée), mesure 2 (1 avion ALSR avancé), mesure 3 (8 H225M), mesure 4 (drones navals) mesure 5 (doublement du fonds Definvest sur 5 ans, de 50 à 100 millions €). Liste à laquelle il faut ajouter la commande de deux EC-145nouvelle génération pour un coût de 32 millions € et la commande de dix EC-160 pour un coût total de 200 M€. Il s’agit de renouveler une partie des 26 AS-350 Ecureuil de la Gendarmerie par des appareils plus polyvalents. Ce renouvellement s’inscrirait dans une politique de rationalisation de la flotte globale.
  2. Rapport du CPRA, 13/09/2013, page 13 et sq. Nous le citons in extenso car il est clair, complet et très éclairant.
  3. 3ème BPC, 5 hélicoptères Caracal, dernières livraisons du VBCI, livraison avancée de 3 Rafale, Syracuse et 4 engins de débarquement amphibie (EDA).
  4. Leurres pour hélicoptères, munitions Tigre, matériels optroniques, groupes électrogènes, nouvelles fonctionnalités Rafale et drones SDTI.
  5. BPC, Rafale, Caracal, PVP, VBCI, pré-développement Musis, rétrofit Falcon AUG, données géographiques numériques et fusion Martha-SCCOA.
  6. L’activité des nombreux sous-traitants n’a pas été prise en compte.

 

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A propos aerodefensenews

Bruno Lancesseur est rédacteur en chef la lettre AeroDefenseNews.net Pour nous contacter envoyez votre adresse mail à aerodefensenews@gmail.com
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