Depuis le salon du Bourget, même les plus optimistes doutent aujourd’hui : le programme de Système de Combat Aérien Futur (SCAF) patine. Paris et Berlin ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la répartition des taches, les industriels se chamaillent, chacun voulant tirer le meilleur parti des financements annoncés. Jusque là rien de nouveau. Mais c’est la détérioration des relations entre les deux côtés du Rhin qui est inquiétante : des politiques aux industriels en passant par la direction générale pour l’armement (DGA), l’ambiance est lourde, voire tendue, et les décisions attendues ne viennent pas. « Il y a actuellement un vrai malentendu, les Français s’imaginent qu’ils vont diriger le programme SCAF : c’est non ! », assure-t-on à Berlin. Les parlementaires, les industriels et les militaires allemands se rebiffent. «Nous n’allons pas payer un avion français et quoiqu’ils en disent, les Français ont besoin du financement allemand pour mener à bien ce projet…», s’insurge l’un d’entre eux.
Dans cet environnement, le conseil des ministres franco-allemand du 16 octobre prochain à Toulouse sera crucial pour trouver les compromis nécessaires et remobiliser les troupes autour du SCAF, mais aussi de l’Eurodrone qui, lui aussi, pourrait être remis en cause, par les Français cette fois. Au point que Florence Parly déclare que si le dossier n’avance pas dans le bon sens, la France ira se fournir ailleurs, c’est-à-dire chez General Atomics…
Pour débloquer le SCAF, les députés allemands du Bundestag ont prévenu : les exportations n’étant plus un point de blocage, le programme SCAF ne progressera qu’à deux conditions non négociables. D’abord obtenir un accord satisfaisant dans le cadre du rapprochement entre Nexter et l’industrie allemande sur le programme de char futur MGCS, c’est à dire en faisant entrer l’intrus Rheinmetall aux côtés de Krauss Maffei (déjà marié avec Nexter dans KNDS) … Et ensuite que Paris accepte un accord équilibré sur le futur moteur du SCAF entre Safran et MTU. Deux conditions que Paris et la DGA auront du mal à accepter. Pour résumer, si les Allemands n’ont pas d’exigences militaires particulières, ils seront en revanche intransigeants sur la répartition des équilibres industriels. Si aucun des deux camps ne bouge, les discussions autour du SCAF vont durer longtemps et l’on n’est pas prêt de voir voler un démonstrateur.
Indra, un choix de politique intérieure évolutif
La décision de Madrid d’imposer Indra Systems (CA de 2 milliards d’euros) comme coordinateur de l’industrie espagnole au sein du programme du futur avion de combat européen est jugée incompréhensible chez Airbus. Madrid a rejoint en juin dernier le programme franco-allemand et vient de positionner, pour piloter celui-ci en Espagne, un industriel de second rang qui, contrairement à l’avionneur européen, n’a aucune compétence en avions, en drones, en satellites, mais en équipements et en « senseurs ». « C’est avant tout un choix de politique intérieure, obéissant à des considérations nationalistes qui ne préjugent pas du futur », tempère cependant un familier d’Airbus, « il faut minimiser cette affaire. Nos amis espagnols s’estiment mal traités au sein d’Airbus ; depuis le départ de Fernando Alonso en mars dernier, il n’y a par exemple plus d’Espagnol au Comité exécutif ». Et l’Etat espagnol détient 4% du capital d’Airbus, contre 12 % chacun pour la France et l’Allemagne…