Numérique : un défi pour les armées françaises

Le numérique s’est introduit dans les vies quotidiennes, dans les entreprises, dans les administrations… mais aussi dans les armées et c’est devenu un enjeu, un rendez-vous à ne pas manquer faute d’être marginalisé. Des parlementaires se sont récemment penchés sur la numérisation dans les armées et leurs conclusions, qui doivent être présentées tout prochainement, sont pour le moins contrastées.

Si cette évolution ne pose guère de problèmes dans le segment opérationnel (réseaux, matériels, etc.) en revanche, d’un point de vue organique, beaucoup reste à faire semble-t-il pour que le fonctionnement militaire soit optimum et que la mise en place en place de systèmes informatiques dans les armées ne se transforment pas en usine à gaz. Comme les entreprises et les administrations, les armées ont tout à gagner en utilisant de nouveaux modes de travail grâce aux systèmes d’information, mais à condition que ceux-ci soient bien pilotés et qu’ils fassent l’unanimité en interne.

Or, comme on l’a vu récemment avec le fiasco de la mise en place du système de gestion des paies Louvois, un projet mal piloté se révèle être un gouffre financier et crée une défiance des personnels concernés pas forcément envers le « système » lui-même mais plutôt envers ses géniteurs. La responsabilité et l’engagement de la hiérarchie militaire sont essentiels pour assurer le succès du numérique dans les armées. Ce qui n’est pas aisé d’autant que la génération actuelle d’officiers supérieurs a découvert Internet « en route ». Ce n’est pas une critique mais la génération née dans les années 1980-1990 nage dans le numérique. C’est un fait générationnel.

Pour autant, «il ne faudrait pas que le fossé se creuse entre les soldats qui utilisent personnellement Internet et les réseaux sociaux au quotidien et ce qu’ils vivent au professionnellement. Le risque ? C’est que les GAFAM (Google, Amazone, Apple,  Facebook, Microsoft) en sachent plus sur nos soldats que nous-mêmes ! Il y a un travail de formation nécessaire d’autant que les armées sont généralement réfractaires aux changements d’organisation et dans certains cas, la culture numérique militaire des officiers supérieurs est proche de zéro», estime un militaire.

Les entreprises de services informatiques ont, elles aussi, un rôle déterminant pour le numérique ; elles ont réussi leur entrée dans les armées. « Les réseaux des armées sont très complexes et bien souvent sous-estimés par les industriels qui ne comprennent pas toujours que tout se qui se passe dans le secteur civil n’est pas transposables dans les armées. Nous devons faire face à la juxtaposition de très nombreux métiers qui n’ont rien à voir avec le monde de l’entreprise », poursuit ce militaire. Le numérique pourrait par exemple permettre d’optimiser le MCO tant décrié ces dernières années. «L’une des difficultés actuelles du MCO est justement la non utilisation du numérique».

Outre le fonctionnement en interne se posent des problèmes de ressources humaines. Où trouver les compétences nécessaires ? Comment former les combattants ayant une compétence numérique ? Comment attirer des talents exerçant dans le privé et avec quelles formes de contrat ? C’est un véritable défi pour les armées. «Pour les nouvelles compétences comme l’intelligence artificielle il faut des statuts sur-mesure sinon ils ne viendront jamais chez nous. Il en va de même pour les jeunes ingénieurs de l’armement que nous envoyons dans les universités étrangères ; que va-t-on leur proposer à leur retour, saurons-nous les garder ? Ce n’est pas sûr», s’interroge un militaire. Heureusement, la ministre de la Défense, Florence Parly, est loin d’être réfractaire aux changements numériques, tout comme le gouvernement qui en a fait une priorité ; il y a donc bon espoir que les choses avancent dans le bon sens.

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A propos aerodefensenews

Bruno Lancesseur est rédacteur en chef la lettre AeroDefenseNews.net Pour nous contacter envoyez votre adresse mail à aerodefensenews@gmail.com
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