Les faits. Retour sur investissement. Grâce à la réussite de l’opération réalisée par les forces armées de Moscou en Syrie, la demande des armes russes a considérablement augmenté. Dans les années à venir, la Russie pourrait signer des contrats d’un montant total de $6 à 7 milliards. D’après le quotidien économique russe Kommersant , la Russie a dépensé quelque 400 millions d’euros pour la campagne militaire en Syrie. Un investissement à relativiser puisque ces dépenses avaient été inscrites au budget et étaient prévues pour des exercices et des entraînements militaires.
Dans un premier temps, en Syrie, les forces aériennes russes s’appuyaient sur du matériel militaire éprouvé, comme des bombardiers Su-24M modernisés ou des chasseurs du type Su-25SM. Par la suite, des bombardiers tactiques Su-34, des avions de combat Su-30SM et de nouveaux Su-35S ont été utilisés. Des hélicoptères de différents types ont été transportés sur la base aérienne russe de Hmeimim, et celle-ci a été protégée par des systèmes de défense antiaérienne Pantsir S1, Bouk-M2 et S-400 Triumph. Pour les attaques militaires contre les cibles, une bombe guidée de type KAB-500S a été utilisée. Des missiles de croisière étaient également prévus afin de surmonter la défense antiaérienne de l’ennemi. Les frappes réalisées par le système de missiles multi-rôles Kalibr de la mer Méditerranée et de la mer Caspienne ont aussi montré le potentiel du matériel russe.
Ainsi, en décembre 2015, l’Algérie a émis un fort intérêt pour 2 bombardiers Su-34. D’après les chiffres provisoires, le montant de ce contrat est de $500 à $600 millions.
De plus, l’Indonésie, le Vietnam et le Pakistan envisagent d’acheter des Su-35S. Le montant total des contrats s’élèverait à $2,5 milliards de dollars. Les hélicoptères Ka-52 Alligator ont également suscité beaucoup d’intérêt: l’Égypte a déjà signé un contrat pour 46 machines dont la livraison est prévue en 2017. L’apparition de S-400 en Syrie intéresse l’Arabie Saoudite et l’Inde. Ces deux pays ont déclaré qu’ils achèteront chacun de quatre à six systèmes S-400 pour un montant total de $2 à 3 milliards de dollars.
Commentaire. Après cinq mois et demi de frappes aériennes et d’opérations terrestres en Syrie, comment interpréter la décision soudaine du président russe Vladimir Poutine de retirer la majeure partie de ses troupes engagées dans la guerre contre le terrorisme au Proche-Orient et quel bilan aura laissé cette opération militaire d’un type inédit ? La Fédération de Russie a réinventé le concept de « corps expéditionnaire », en l’allégeant au maximum, tout en lui conférant une puissance de feu inédite. La différence avec les opérations occidentales, de type guerre du Golfe, réside dans la légèreté du dispositif, le caractère robuste des appareils, la variété des munitions utilisées et la polyvalence des avions. De plus, cette opération aurait coûté moins de $1 milliard. Surtout, Moscou a démontré aux capitales européennes, à Pékin et à Washington qu’elle avait restauré sa capacité à frapper des cibles à des milliers de kilomètres de ses bases. Les tirs de missiles à partir de petits navires en mer Caspienne ou de sous-marins Kilo en Méditerranée ont eu un effet niveleur de l’hégémonie américaine sur les missiles tactiques de longue portée. D’ailleurs, cette capacité longue distance a certainement beaucoup plus impressionné les militaires occidentaux que les troupes de Daesh.
La Russie conserve ses postes avancés en Syrie sur terre, sur mer et dans les airs d’autant qu’elle va laisser sur place bon nombre de matériels avec les hommes et les instructeurs qui vont avec, à l’instar de ce que font les Etats-Unis. Et maintenant ? Dans le camp occidental, la surprise de l’annonce du retrait russe de Syrie a eu pour effet de tétaniser les décideurs politiques. De, plus Vladimir Poutine a ordonné à ses généraux de frapper sans trop s’occuper des dommages collatéraux, ce qu’ils ont fait. Et, quoi qu’en disent les âmes sensibles, on se souviendra dans les manuels d’histoire que l’expédition russe en Syrie a été le tournant initiant la déroute de Daesh. Vladimir Poutine a obtenu par cette démonstration de force ce qu’il désirait : conserver son emprise en Syrie et montrer à ceux qui en doutaient encore qu’il faut compter avec la Russie. C’est chose faite.