Ariane 6 : le défi de la réduction des coûts de production

Livrer une Ariane 6 dont les coûts de production vont être divisés par deux par rapport à Ariane 5 est un défi pour les industriels européens du secteur spatial. « Nous avons adopté les mêmes principes de travail que dans les autres secteurs industriels (avions commerciaux et automobile), c’est le mode d’entreprise étendue. Nous avons créé une filière d’excellence en termes de production et nos principaux partenaires travaillent avec nous sur le design», explique Patrick Bonguet, directeur du programme Ariane 6 chez Airbus Safran Launchers (ASL). Auparavant, chaque pays voulait avoir son morceau du lanceur, notamment les grandes viroles métalliques dont la fabrication ne demande pas trop de technicité et que tout le monde sait faire en Europe. Elles sont désormais réalisées chez MTA. Donc, ASL pousse à une plus grande spécialisation afin que les moyens de fabrication soient utilisés de manière optimum et pas seulement quelques jours par mois. «De plus, précise Patrick Bonguet, nous n’avons plus de sous-traitants mais des partenaires ». Le maître d’œuvre ASL n’impose plus une réduction de 10% des coûts mais discute en permanence avec ses partenaires sur la façon dont les deux entités vont atteindre cet objectif de réduction des coûts. Cette nouvelle organisation, ce nouveau dialogue, et l’intégration plus poussée va permettre de réduire les doublons des contrôles à chaque transfert en Europe et à Kourou : avec Ariane 6, ASL va livrer à Arianespace en Guyane un lanceur prêt à être lancé. Les ultimes contrôles seront effectués sur le pas de tir durant 6 jours.

Autre innovation, l’intégration du lanceur se fera, comme le Falcon 9 de Space X, de manière horizontale sur le site des Mureaux et à Kourou, puis le satellite sera encapsulé dans la coiffe 48 heures avant le tir, puis intégré au lanceur sur le pas de tir. Pour quels avantages ? Pour l’intégration horizontale, fini les « bâtiments cathédrales » de dizaines de mètres de hauteur avec des ponts roulants, des systèmes de ventilation. Un « hangar » de taille modeste suffira, comme chez Space X. Enfin, « lorsque l’ensemble est horizontal les problèmes sont plus visibles, plus accessibles et ils peuvent donc être traités plus rapidement », indique-t-on chez ASL. En outre, cette approche permet de créer un flux de production comme pour les voitures et les avions commerciaux. Un exemple : l’intégration des deux étages à liquide qui arrivent des Mureaux et de Brême sera réalisée en trois jours au lieu d’un mois aujourd’hui pour Ariane 5. Relever les défis de l’industrialisation d’Ariane 6 est crucial pour l’autonomie de l’Europe spatiale. Le lanceur doit passer son « examen » de passage en juin prochain auprès de l’Agence spatiale européenne avec comme objectif une réduction de 50% du prix en orbite par rapport à Ariane 5, l’absence d’aides publiques pour les lancements commerciaux ainsi qu’une adaptation et une flexibilité aux missions spatiales de demain. Le défi n’est pas mince : avec Ariane 6, ASL promet de proposer d’emporter des charges utilises deux fois plus grosses (en masse) pour un prix deux fois moindre comparé au Falcon 9 de Space X. Les clients sont séduits, semble-t-il, par ce défi.

 

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Bruno Lancesseur est rédacteur en chef la lettre AeroDefenseNews.net Pour nous contacter envoyez votre adresse mail à aerodefensenews@gmail.com
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