Il semble qu’il y ait actuellement un certain retard à l’allumage pour le Système de combat aérien du Futur (SCAF) au point que l’on se demande aujourd’hui si ce n’était pas une fausse bonne idée. Un tel projet, de part son ampleur, nécessite l’absolu soutien des gouvernements allemand et français. Il ne s’agit même pas d’une question financière -pas encore-, mais de la volonté politique de pousser dans une même direction les états-majors et les industriels des deux côtés du Rhin un système qui doit rassembler autour d’un nouvel avion de combat polyvalent, « adapté aux menaces aériennes contemporaines et exploitant le potentiel de l’intelligence artificielle », des moyens de combat travaillant en réseau, dont des drones de différents types. Une lettre d’intention signée le 19 juin dernier désigne la France comme «nation leader sur le projet» et elle prévoit que d’autres partenaires européens puissent se joindre à la réalisation du projet SCAF avec l’objectif de lancer une phase d’étude au plus tard fin 2018. « Au plus tard » ? Nous sommes en novembre et rien ne se passe, laissant l’initiative aux détracteurs habituels de la coopération franco-allemande.
Plusieurs grains de sable sont venus gripper la mécanique franco-allemande. Tout d’abord l’axe franco-allemand par le Président Emmanuel Macron est affaibli par les revers politique de la Chancelière Angela Merkel dont on dit que les jours à la tête de l’Allemagne sont désormais comptés. L’arrivée d’un prochain gouvernement comprenant une participation des Verts (Die Grünen) inquiète les industriels de la défense sur la question de l’exportation d’armements. La position allemande mérite d’être clarifiée sur ce point : l’avion franco-allemand doit être exportable au-delà de la sphère de l’Union européenne sans que l’un des pays participants puisse mettre son veto uniquement pour des considérations de politique intérieure. Ce point est essentiel. Pour résumer, des arsenaux européens qui produiraient pour les armées européennes n’a plus de sens alors que l’export est un élément clé pour rentabiliser un programme. Si l’Allemagne renonçait au SCAF, il n’y a guère de doute que le prochain avion de combat de l’armée de l’Air allemande serait le F-35. C’en est fini de l’Europe de la défense. C’est un risque et c’est un choix très lourd de conséquences pour la BITD allemande.
Après les errements allemands, les Britanniques, que tout le monde souhaite voir rejoindre la SCAF, sont dans l’impossibilité de prendre position tant que les contours du Brexit n’auront pas été clairement définis. Et cela va prendre du temps. Quelle sera la cartographie de l’Allemagne dans un an et celle du Royaume Uni ? La situation est très instable pour lancer un programme si important. Ce trou d’air temporel est mis à profit par certains pour faire valoir leurs prétentions, légitimes ou pas, brouillant un peu plus l’horizon du SCAF. Pour les Européens, les enjeux du SCAF vont probablement au-delà des aspects opérationnels, il s’agit de renforcer la BITD européenne. Tout le monde s’accorde pour reconnaître qu’aucun pays de l’UE n’aura les moyens financiers de développer et de produire seul un avion de combat de 5ème génération. Des concessions sont donc à prévoir. Renoncer au SCAF avec les Allemands et les Britanniques serait un risque énorme pour l’avenir de la BITD européenne. L’issue de ces égarements est connue de tous : l’achat d’avions américains et une BITD européenne réduite au rôle de sous-traitants à la solde des avionneurs américains. C’est la fin programmée de la souveraineté européenne et des bureaux d’étude français et britanniques. S’il est peut-être trop tard pour prendre des décisions, il n’est pas trop tôt pour se poser les bonnes questions !