A lire. Un rapport parlementaire analyse l’industrie européenne de défense, et les conclusions sont pour le moins préoccupantes mais malheureusement pas nouvelles.

L’industrie de défense est au cœur des deux défis stratégiques que doit relever l’Europe : à court terme, le défi du soutien à l’Ukraine ; à moyen terme, le défi d’assumer la défense collective de notre continent, dans un contexte d’incertitude quant à la pérennité de l’engagement américain en Europe. Or, l’industrie de défense souffre de plusieurs faiblesses structurelles, soulignent les députés Jean-Charles LARSONNEUR et Jean-Louis THIÉRIOT, auteurs du rapport (1).

Selon eux, l’industrie de défense européenne est trop fragmentée. Les champions européens manquent de taille critique : une seule entreprise européenne, BAE Systems, figure dans le top 10 mondial. La forte dispersion des acteurs entraîne en outre une duplication des systèmes d’armement, préjudiciable à l’interopérabilité de nos armées et à la compétitivité de nos entreprises de défense.

La BITD européenne a également souffert de décennies de sous-investissement, qui ont obéré la capacité des chaînes de production à remonter en puissance. L’abandon de certaines compétences critiques, telle que la filière souveraine de la poudre, et la promotion d’un modèle basé sur les flux tendus et l’optimisation des stocks sont les conséquences d’un tel sous-investissement.

L’industrie de défense européenne, et plus particulièrement ses PME-ETI, est en outre sous-financée. Elle pâtit notamment de la forte réticence des investisseurs institutionnels à investir dans la défense, en raison d’un prétendu risque réputationnel et d’une interprétation erronée des normes économiques, sociales et de gouvernance (« ESG »).

Enfin, l’industrie de défense est fortement dépendante des pays tiers pour ses approvisionnements stratégiques. Or, cette dépendance est devenue une arme dans les mains de nos compétiteurs stratégiques. La Chine a ainsi réduit ses exportations de nitrocellulose – un composant essentiel pour la fabrication de poudres – aux industriels européens pour privilégier son partenaire russe, dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Ces faiblesses s’inscrivent au surplus dans un contexte d’intensification de la concurrence intra-européenne. Les coopérations industrielles ne représentent que 18 % des dépenses d’investissement des États membres, contre un objectif de 35 %. Ce déficit de collaboration tient aux difficultés des programmes en coopération eux-mêmes : délais excessifs ; exigence d’un retour sur investissement des pays participants pour leurs propres industries ; développement de sur-spécifications nationales qui réduisent la plus-value des coopérations en terme d’harmonisation capacitaire. Un renforcement des stratégies industrielles nationales est également à l’œuvre. Le spatial européen en est la première victime, comme l’illustre le lancement d’une compétition intra-européenne sur les lanceurs, actée au sommet de Séville de novembre 2023.

Les deux auteurs du rapport recommandent notamment de lever les obstacles aux coopérations industrielles et  du contrôle des exportations et de réviser l’accord franco-germano-espagnol de 2019 sur le contrôle des exportations. Autre recommandation, préciser juridiquement les notions d’« atteinte aux intérêts directs » et d’ « atteinte à la sécurité nationale », qui permettent à un État de s’opposer à une demande de licence d’exportation d’un autre État et refuser toute communautarisation du contrôle des exportations d’armement. Ils estiment nécessaire de favoriser les consolidations industrielles, de modifier la politique de prêt de la banque européenne d’investissement (BEI), de promouvoir de nouveaux financements pour l’industrie de défense, de réformer le fonds européen de défense (FED), d’assumer une préférence européenne dans le cadre du prochain programme d’investissement pour l’industrie de défense (EDIP).

Rapport d’information sur l’industrie de défense, pourvoyeuse d’autonomie stratégique en Europe ? (M. Jean-Charles Larsonneur et M. Jean-Louis Thiériot). 

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_def/l16b2625_rapport-information

Rapport N°2625

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Bruno Lancesseur est rédacteur en chef su site AeroDefenseNews.net Pour nous contacter envoyez votre adresse mail à aerodefensenews@gmail.com
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