A lire. Quand la France recrutait des ingénieurs allemands pour développer son programme aérospatial d’après-guerre

Au fil de recherches dignes d’un détective, Michel Tredoldi nous raconte le recrutement  d’ingénieurs nazis au nom de l’intérêt stratégique de la France d’après-guerre. Il faut à cette époque tout construire ou reconstruire dans les domaines de l’aéronautique militaire, de l’armement et de la conquête spatiale. Comment faire ? En 1945, l’Allemagne est découpée en zones d’occupation par les alliés, coup de chance pour les Français ils vont hériter du Wurtemberg-Hohenzollern, cédé par les Américains, qui va « se révéler une véritable mine d’or en ce qui concerne le potentiel de ressources en scientifiques et matériel », note l’auteur qui a enquêté près de sept ans sur le sujet. Quelques mois plus tard, découvrant leur erreur, les Américains tenteront de récupérer cette zone ! En vain.

La première bonne pioche a lieu à Bad Wilbad, où les Français capturent le professeur Berthold, spécialiste d’aérodynamique qui livre les documents cachés dans une forêt et des dizaines de caisses renfermant plus de deux mille documents techniques. « Ces documents, plus de trente mille pages, sont une mine d’or : il y a là des rapports d’essais en soufflerie, en vol et des études sur les ailes en flèche ». La chasse aux trésors a commencé dans l’Allemagne occupée pour repérer, identifier et capturer les scientifiques chercheurs, physiciens, chimistes etc. « L’éthique est mise de côté dans cette chasse aux scientifiques, quels que soient leur passé, leur rôle et leur implication dans la machine nazie », souligne l’auteur, qui cite une missive du général Koenig datée d’octobre 1946 : «Chaque technicien qui se fixera à demeure en France correspond à une diminution du potentiel allemand et à une augmentation du potentiel français. Il faut en profiter ». Ce sera le cas avec l’ingénieur Hermann Oestrich qui va constituer d’abord à Décize, dans la Nièvre, puis à Villaroche, un groupe de techniciens chargé de développer un moteur célèbre dans l’histoire de l’aéronautique française, l’ATAR. Un moteur qui équipera avec le succès que l’on connaît les avions de chasse français. Reconnaissant, l’Etat français décorera Hermann Oestrich de la Légion d’honneur en 1962…

Mais les ambitions des Français ne s’arrêtent pas aux moteurs d’avions, en mai 1946 est créé le Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) dont la mission sera de développer les premières fusées françaises. Pour cela, les Français vont  recruter des ingénieurs allemands chargés de constituer des équipes spécialisées dans la conception des fusées, le guidage et la propulsion ; leur savoir-faire permettra la mise au point du moteur Viking du lanceur Ariane. « La fine fleur de la recherche allemande dans le domaine des fusées » va se retrouver à Vernon, dans l’Eure, au sein du LRBA. Les conditions financières offertes par les Français sont si avantageuses par rapport aux Anglais et aux Américains que près de 5000 ingénieurs allemands, tous secteurs confondus, vont venir travailler en France.

Au même titre que les Soviétiques, les Britanniques et les Américains, les Français vont mettre à profit les exceptionnelles compétences des ingénieurs allemands, pour la plupart issu du centre de fabrication des V1 et V2 de Peenemümde.

Un pacte avec le diable de Michel Tredoldi, Albin Michel/Espace Libres

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