Avion supersonique : entre communication et réalité industrielle

La compagnie American Airlines s’est offert un joli coup de pub en annonçant avoir passé commande de 20 avions supersoniques Overture, construits par le constructeur Boom qui prévoit une mise en service en 2029. Dans le cadre de cette commande American dispose d’une option pour 40 avions supplémentaires. Cette commande intervient un peu plus d’un an après celle de United Airlines qui s’est engagé sur 15 appareils Overture, en juin 2021, avec une option pour 35 avions. Selon le constructeur Boom, le prix catalogue de son avion supersonique serait d’environ 200 millions de dollars.

Selon Boom l’Overture, d’une capacité de 65 à 80 passagers, pourra atteindre Mach 1,7 soit environ 2.100 km/h, le double de la vitesse des avions de ligne actuellement en service. Sur certaines lignes, Boom prévoit que le temps de trajet sera réduit de moitié par rapport à la durée actuelle des vols. Boom avance que son avion relierait Miami à Londres en moins de 5 heures, contre 9 heures aujourd’hui ou encore Seattle/Tokyo en 6 heures contre 10 heures. L’autonomie de cet appareil atteindrait 7.800 km. Quant au marché, il s’adresse aux hommes d’affaires et aux VIP prêts à débourser plus de 10 000£ -peut-être le double-, sachant qu’un billet Londres-Miami-Londres en Première chez British Airways est facturé un peu plus de 8 000£. Mais c’est surtout le marché Amérique du Nord-Asie qui semble le plus prometteur d’où l’intérêt d’American et de United.

L’Overture devrait être alimenté à 100% par du carburant d’aviation durable (sustainable aviation fuel ou SAF), élaboré à partir de biomasse, huiles usagées voire, à l’avenir, de CO2 capturé et d’hydrogène vert. Le SAF peut réduire de 80% les émissions de CO2 par rapport au kérosène. Avant de pouvoir transporter des passagers, l’Overture devra obtenir le feu vert des autorités de régulation, notamment l’autorisation de voler à environ 18 kilomètres d’altitude, alors que la limite est actuellement fixée à un peu moins de 13 km pour un avion de ligne à réaction.

Nouvelle désillusion. L‘Overture n’aura pas de moteur britannique. Rolls-Royce, seule entreprise à avoir conçu un moteur supersonique civil jusqu’à présent, a annoncé début septembreavoir quitté le projet de Boom. Rolls-Royce a conçu et fabriqué avec le français SNECMA les moteurs Olympus 593 qui équipaient le Concorde. La question de la motorisation d’un avion supersonique reste la clé du succès. Pratt & Withney et GE sont les deux derniers candidats, et ont présenté des projets basés sur le JT8D et le CFM56 pour le projet Aerion, abandonné depuis…

C’est évidemment un beau projet qui fait rêver mais de nombreux obstacles techniques restent à lever. Le principal verrou, aujourd’hui, c’est le « bang » sonique et donc de pouvoir commercialiser un avion supersonique qui volera au-dessus des terres ; c’est donc avant tout un problème réglementaire puisqu’un tel survol est interdit dans la quasi-totalité des pays. Il faut également démontrer que l’on pourra réduire la nuisance sonore du « bang » de façon anodine. Il y a de nombreux travaux scientifiques notamment à la NASA via le programme X-59 qui consiste à démontrer que le « bang » sonique émis par un business jet ne sera pas plus gênant que le bruit d’un avion très gros porteur et qu’il sera donc accepté par les populations. Pour réduire le « bang », il faut jouer sur les formes de l’avion qui sont à l’origine du phénomène de bang comme le fuselage mais aussi tous les autres éléments (la voilure, les prises d’air, les empennages, le jet moteur, etc.) qui peuvent contribuer à sa signature au sol telle qu’elle est ressentie. Pour résumer il faut éviter que les contributions au bang venant des différents appendices géométriques qui ont des effets aérodynamiques ne fusionnent et se renforcent. Il faut donc travailler de façon très fine sur les formes de l’avion pour réduire ces perturbations de pression générées par l’avion afin que le signal soit plus doux, plus progressif.

Enfin, il y a les aspects réglementaires sur l’exploitation des avions supersonique qui restent à régler. Il n’y aura vraisemblablement pas de projet industriel viable tant qu’il n’y aura pas de réglementation sur le supersonique. Aujourd’hui, tous les espaces aériens commerciaux sont interdits aux vols supersoniques commerciaux mais les choses bougent. L’ICAO travaille sur une réglementation propre au « bang ». Et il y a en ce moment un fort lobbying des industriels américains pour faire bouger les lignes, notamment pour que soit levée l’interdiction des vols civils supersoniques au-dessus des terres. Un autre constructeur américain, Aerion, s’était lui aussi lancé dans la course avec son projet baptisé AS2 mais il a jeté l’éponge en mai 2021… Quoiqu’il en soit, l’avion supersonique commercial reste un beau projet qui fait rêver.

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A propos aerodefensenews

Bruno Lancesseur est rédacteur en chef la lettre AeroDefenseNews.net Pour nous contacter envoyez votre adresse mail à aerodefensenews@gmail.com
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