(*) Sénateur-maire, Président de l’Association des maires des Hauts-de-Seine
AeroDefenseNews : Quelle est l’approche française actuelle en matière de DAMB ?
Jacques Gautier : Jusqu’à récemment, la France n’avait pas de véritable approche en matière de DAMB puisqu’elle vivait derrière la dissuasion nucléaire et que pendant des années la DAMB a presque été un sujet tabou. On considérait que la dissuasion était un substitut complet à la DAMB et qu’à partir du moment où il y avait dissuasion, nous n’avions pas à travailler sur la DAMB. Cela, contrairement aux Américains qui parlent de DAMB depuis les années 2000. De plus, à travers les missiles SAMP/T et Aster Block 1, on avait une réponse pour la DAMB de théâtre et le territoire était sanctuarisé par la dissuasion. La France s’est intéressée à la DAMB de théâtre dès lors que nous avions des troupes pré-positionnées dans des pays comme les Emirats arabes unis ou le Tchad qui étaient susceptibles de subir des frappes localisées. Ce n’est que quelques mois avant le Sommet de l’Otan de Lisbonne que l’on s’est rendu compte que la France avait évolué sur ce dossier en acceptant de passer de la défense de théâtre à celle de territoire avec une double condition : que la dissuasion reste essentielle pour l’Otan et la réaffirmation que DAMB est un complément et non pas un substitut à la dissuasion.
Reste qu’on est parti de là sans calculer combien cela allait nous coûter, quelle serait notre place, notre stratégie et notre philosophie dans ce domaine !
ADN : La DAMB est un concept avant tout américain, ne tentent-ils pas de capter les budgets R&D européens ?
J.G. : Nous en sommes persuadés. Il s’agit avant tout de vendre du matériel américain. Ils refont le coup du JSF ! Ils consomment depuis dix ans en moyenne dix milliards de dollars par an dans la DAMB. Aujourd’hui, les Américains n’ont pas besoin de nous car ils possèdent l’ensemble de la chaîne. Ils nous proposent leur C2, leurs croiseurs AEGIS et donc leur protection en échange de contrats avec les industriels américains pour acquérir des bâtiments calibrés pour tirer leurs missiles. C’est la voie aujourd’hui choisie par les Pays-Bas et le Danemark, notamment. Cela revient à se placer sous un commandement américain sans investissement industriel majeur. Les Etats-Unis ont étranglé l’URSS avec la « guerre des étoiles » et nous, nous disons, aujourd’hui, avec la DAMB soit les Européens renoncent et choisissent « américain » ou ils essaient de suivre. C’est un pari pour nous Européens. D’ailleurs, les Russes ont bien compris qu’ils ne pouvaient pas suivre, c’est pourquoi ils cherchent un terrain d’entente.
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